« Ce que tu fais, fais-le bien » : la quête de justesse de Stéphanie Gicquel

20.10.2025
Ambassadeurs
« Ce que tu fais, fais-le bien » : la quête de justesse de Stéphanie Gicquel

Quelques jours après son record sur les 100 km de Millau, nous avons rencontré Stéphanie Gicquel. Athlète, écrivaine, aventurière, elle se confie avec la sincérité et la précision qu’on lui connaît, elle nous a partagé sa manière de vivre le haut niveau : entre curiosité, rigueur et envie d’explorer toujours un peu plus loin.

Une exploratrice avant d’être une coureuse

Enfant, elle passait des heures à tenter, rater, recommencer. « Je pouvais passer six heures à essayer de faire des figures que je voyais à la télévision, en gymnastique ou en roller », raconte-t-elle. La course à pied, à l’époque, ne l’intéressait pas : « Pour moi, il suffisait de mettre un pied devant l’autre, je ne voyais pas la technique. » Déjà, elle explorait sans le savoir, à sa manière, elle cherchait la complexité du geste, la beauté du mouvement, la difficulté à surmonter.

Très vite, ce goût de l’exploration s’est déplacé vers d’autres horizons : les études, les lectures, les rencontres. Une autre manière de s’émanciper. « Je voyais les études comme un moyen de découvrir le monde », confie-t-elle. Puis viennent les voyages : la fascination des déserts, des grands espaces, les road trips aux États-Unis et en Australie. « Les images me faisaient envie, j’avais envie d’y aller », dit-elle simplement. Explorer, pour elle, a toujours été une façon d’apprendre, de comprendre, de grandir.

Explorer le monde, oui, mais aussi se comprendre soi-même, tester ses limites mentales autant que physiques. « J’avais l’intuition que si je ne bougeais pas, je n’y arriverais pas. » Stéphanie avance toujours avec la même curiosité : celle d’apprendre.

Apprendre seule à courir : une autodidacte née du mouvement

L’actuelle membre de l’équipe de France d’athlétisme n’a pas grandi dans un environnement sportif : « Les clubs d’athlétisme, ça m’était complètement étranger. » Elle découvre la course seule, sans cadre ni entraîneur, portée par un besoin de bouger. Ses premiers dossards sont pris sur un coup de tête. « Je ne me souviens pas vraiment des premiers dossards. C’était juste pour courir, pas pour performer », sourit-elle.

La course à pied prend réellement une place dans sa vie au moment où son quotidien professionnel devient particulièrement exigeant. Elle travaille beaucoup, dort peu, court tard le soir. « Je pouvais sortir du bureau à 23h et aller courir », se souvient-elle. La course devient un exutoire, un moment d’oxygène. Elle nage aussi, longtemps « j'adorais regarder les lignes en bas (de la piscine), c'était un moyen de vider ma tête ».

De ces années intenses, elle a gardé une phrase en tête : « Ce que tu fais, fais-le bien. » Même sans objectif de performance, elle cherche déjà le geste juste, la rigueur dans le plaisir. Avec le recul, elle en tire une leçon : « Aujourd’hui, je dirais à tous les étudiants de ne pas arrêter le sport. On est plus efficace quand on continue à bouger. » Le sport devient pour elle un pilier de stabilité, un apprentissage de soi dans un quotidien saturé.

Le haut niveau ou l’art de durer

Le haut niveau est arrivé presque naturellement, comme une suite logique à des années d’exploration et d’apprentissage. « La compétition est venue plus tard », confirme-t-elle. Longtemps, Stéphanie court pour se ressourcer, avant de structurer ses entraînements et de comprendre peu à peu ce que son corps est capable de faire. C’est à ce moment-là que le sport cesse d’être un défouloir pour devenir un véritable projet de performance.

« Faire une performance, c’est une fois. Ce qui est compliqué dans le sport de haut niveau, c’est de durer », affirme-t-elle. À 43 ans, elle a transformé son expérience en atout. Elle connaît son corps, écoute ses signaux : « Je vois bien qu’il faut que je récupère beaucoup, que je fasse beaucoup d’étirements. Il y a beaucoup de choses à faire pour pouvoir durer. » Son approche de la performance est empirique : observer, tester, ajuster. Et ça fonctionne « j’ai testé des nouvelles choses avant Millau, ça a peut-être joué d'ailleurs sur ma performance par rapport à 2023 » confie-t-elle. 

Le changement d’entraîneur a aussi marqué une étape importante. « J’ai beaucoup plus de sérénité aujourd’hui », explique-t-elle. Cette nouvelle approche, plus structurée, lui a permis d’aborder différemment la charge de travail. « Avant, j’étais dans une approche de moins de volume, mais courir très vite sur la piste. Aujourd’hui, on fait beaucoup de répétitions mais à une allure plus lente, donc une foulée qui a un peu changé. »

Toujours dans cette logique, elle participe à des études scientifiques sur la physiologie et la nutrition des athlètes, aux côtés d’autres sportifs de haut niveau. Chez elle, la progression repose sur la curiosité, la précision et l’observation patiente du corps au fil du temps.

Route, trail ou piste : le mouvement comme philosophie

Refuser les cases, les oppositions, les hiérarchies : c’est la manière dont Stéphanie aborde la course à pied. « C’est dommage de les opposer », dit-elle à propos de la vieille querelle entre route et trail.

Chaque discipline lui apporte quelque chose : la route renforce les os, la piste affine la régularité, le trail développe la proprioception. « Je pense que le passage de l’un à l’autre est vraiment intéressant. Ça apporte beaucoup, mais il faut accepter le temps long. »

Pour elle, le trail est une école de polyvalence, « comme le décathlon, dans la multitude de choses à faire ». Et chaque terrain devient un terrain d’observation du corps. « Sur la route, il faut être à la seconde près. Sur la piste, tu travailles la régularité, les gammes.

En trail, tu dois t’adapter en permanence au terrain. » Chez Stéphanie, courir, c’est avant tout apprendre à s’adapter : une philosophie du mouvement avant d’être une question de discipline.

Son équipement comme partenaire de sa performance

Pour la détentrice du record de France du 24 heures, le mot performance n’existe jamais seul : il s’accompagne toujours de rigueur, de connaissance et de matériel. « Si tu veux vraiment atteindre la très haute performance, il y a tellement de paramètres… » explique-t-elle. Dans sa bouche, l’équipement n’est pas un accessoire, mais un élément de confiance.

Elle compare volontiers cette approche à celle d’une expédition, un domaine qu’elle connaît bien pour avoir traversé l’Antarctique sur plus de 2 000 km à ski. « Quand tu pars en expédition, il faut limiter tous les risques qui sont maîtrisables. Il y aura toujours des choses auxquelles tu seras confronté, mais déjà ce que tu peux maîtriser, autant le faire. »

Son matériel, elle le choisit, le teste, le garde. « Quand tu as trouvé quelque chose qui te va bien, qui ne fait pas de frottement, qui est efficace parce qu’il y a les poches qu’il faut, qui va bien avec le dossard… je ne vois pas l’intérêt de changer. » On sourit forcément en l’écoutant : certains des équipements qu’elle porte sont sortis il y a plus de cinq ans, preuve qu’un bon produit sait traverser le temps… et les kilomètres. 

Chercher la course parfaite, sans jamais la trouver

Stéphanie l’a appris au fil du temps : la course parfaite n’existe pas. « Je rêve un peu de la course parfaite, mais je pense que je ne la ferai jamais. Il y a trop de paramètres dans notre discipline », reconnaît-elle. Mais c’est justement cette impossibilité qui la pousse à avancer.

haque course, chaque essai, chaque erreur est une nouvelle pièce d’un puzzle qu’elle complète un peu plus chaque jour. « Je pense que c’est cet espoir-là qui te fait continuer. Si tu atteins l’objectif trop vite, tu perds le sens. »

Chez elle, la performance n’est jamais figée : c’est une quête en mouvement, un apprentissage continu du corps, de l’esprit et du matériel. Tant qu’il reste quelque chose à comprendre, elle continue d’avancer.

Raidlight partage cette même conviction : celle que l’aventure ne s’arrête jamais vraiment. Tester, ajuster, recommencer, encore et toujours. Parce que la perfection n’est pas une ligne d’arrivée : c’est un chemin.

Et pour prolonger le voyage, France Télévisions met Stéphanie à l’honneur dans un documentaire : Stéphanie, le goût de l'effort.

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